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« Où est oiseau ? »
« Où est oiseau ? » vient d’un étonnement, émerveillement, perturbation d’avoir tenu dans ma main une fauvette de jardin (Sylvia Borin) pendant cinquante secondes lors d’un suivi temporel des oiseaux communs.
« Où est oiseau ? » est une lecture-vertige, une instruction poétique tendre et inutilisable. C’est une performance qui est aussi un témoignage, un questionnement, un rituel et à la fois rien de tout ceci. Rien ne se performe si ce n’est une incapacité de dire l’oiseau et son paysage.
« Où est oiseau ? »
• Extraits •
Il est où, l’oiseau ?
L’oiseau, il est où ?
Où l’oiseau est ?
Où est ?
L’oiseau ?
Oh eh Oh eh oiseau ?
Hé oh ?!
Vous l’avez vu ?
Vous l’avez cherché ?
Vous l’avez trouvé ?
Était-il là avant ?
Un oiseau de passage ?
Est-il parti ?
?
Même égaré, un oiseau est toujours là. Il y a toujours un oiseau à côté. Dans un ciel, une poche, une paume, la poitrine, dans nos pensées, dans la bouche d’une personne en face.
As-tu un oiseau, toi ? Dans la tête, sous un bonnet, dans ta veste — un oiseau. On porte toujours un oiseau avec soi, c’est comme une pièce d’identité, on ne peut sortir nulle part sans son oiseau sinon les intempéries, les embrouilles, les malentendus et un oiseau, cela calme tout le monde.
*
Un cœur d’oiseau fait 2,4 % de son poids, m’a dit Étienne, j’avais besoin de le savoir, j’ai tenu dans ma paume 0,34 gramme de cœur. Cela a duré à peine une minute, mais je n’ai pas regardé l’heure parce que j’ai regardé l’oiseau.
Comment appeler un oiseau capté, comment appeler son attente, sa vitesse de projection, son déplacement imaginaire ? Quand l’oiseau est là, il n’est plus là trop vite, peut-être qu’il n’est jamais vraiment là. Y a-t-il dans notre langue humaine – trop humaine – un mot qui veut dire présent et absent en même temps ?
Il a été là dans ma paume sans bouger pendant un temps qui a été une minute, un jour, une semaine. Et puis il s’est envolé et moi, j’étais soulagée, et les alentours se sont détendus et les arbustes ont décollé aussi.
*
Quel mot trouve-t-on pour nommer un oiseau qui était là et ne l’est plus, qui laisse le bruit de son absence, un itinéraire de son envol ?
Tu veux inventer un mot ? Essaie.
Un mot qui avoisine la gravité et la redéfinit.
Un mot qui nomme le vent quand il monte en puissance selon l’échelle de Beaufort.
Un mot qui ne peut pas croire, mais qui croit.
Un mot qui dit on n’a jamais été aussi vivant.
*
Certains oiseaux nous parlent à travers les murmurations.
Certains oiseaux ne savent pas lire notre signalisation routière.
Certains oiseaux réinventent leurs voies migratoires par hasard.
Certains oiseaux passent les douanes sans même les remarquer.
Certains oiseaux s’oublient quand ils volent, mais ne tombent pas.
Certains oiseaux reconnaissent nos visages et les gardent pour quelques années.
Certains oiseaux modulent leur chant quand ils savent être entendus par les humains.
*
Quel mot trouvez-vous pour un oiseau qui était là, mais ne l’est plus et qui nous manque ? Quelque chose d’un coup nous manque, ce lieu est trop grand sans oiseau, trop inutile. Il ne nous reste que notre corps un peu froissé de cette expérience, un peu alterné, un peu « désoisé »...